L’Habitat ailleurs: La maison traditionnelle vietnamienne et ses variantes

 

Après les grandes lignes abordées la semaine dernière, rentrons un peu plus cette semaine dans les détails relatifs aux modes de constructions et à l’architecture Vietnamienne dans sa globalité.

Nous, Européens, construisons nos maisons à l’inverse des Vietnamiens. Les Vietnamiens commencent par poser les fermes de la toiture sur leurs colonnes d’appui reposant sur le soubassement. Le toit et la massive charpente constituent la partie essentielle de la maison.

 

 

La construction de la demeure des vivants et des morts est un acte quasi-mystique. Celle des vivants peut préparer un avenir heureux ou malheureux pour les membres de la famille. Celle des morts peut en faire de même pour les descendants, leur donner richesse, honneur, longévité, nombreuse progéniture.

 


 

La construction exige des rites spécifiques

La construction, loin d’être un acte simplement matériel, exige en même temps des rites spécifiques. Il faut choisir l’espace favorable (configuration, terrain, surtout orientation), un temps propice (le jour, l’heure), des dimensions convenables. Pour tout cela, il faut recourir à la compétence magique du géomancien qui applique certains rites.

 

 

Pour l’orientation de la maison, un adage populaire recommande : «Lây vo dàn bà, làm nhà huong nam» (Quand on se marie, on prend une femme ; quand on construit une maison, c’est au sud qu’il faut l’orienter). Le sud représente le principe mâle (yang). Sans doute pour bénéficier des vents frais apportés par la mousson d’été venant de l’océan.

 

 

Le géomancien, avec sa boussole, détermine le site et l’orientation de la maison. Mais c’est à l’astrologue de protéger la nouvelle habitation contre tous les malheurs possibles : celui-ci fabrique une maquette en papier de la future maison sur laquelle il fixe cinq roseaux munis chacun d’un mannequin en paille représentant les cinq diables destructeurs. Le tout est brûlé après le sacrifice.

 

 

Dans certaines maisons villageoises comme dans les maisons en ville, il y a des bassins d’eau d’où s’élève une montagne en miniature décorée d’arbres nains et de figurines.

 

 

Maisons sur pilotis

Ces maisons sont souvent destinées à une ou deux générations d’une même famille. Elles existent chez les Thai, les Muong, les Bru-Van Kieu, les Churu, les Chut, les Cong, les Khang, les Khomu, les Giay…

Ces maisons forment un cercle autour de la maison communale, laquelle est située sur un espace élevé au centre du village. Elles sont souvent divisées en deux ou trois compartiments : cuisine, salle à séjour et chambre à coucher.

 

 

Maisons longues sur pilotis

Il s’agit d’habitations longues où cohabitent plusieurs familles d’une même lignée. Ce sont les maisons traditionnelles de plusieurs ethnies des Hauts Plateaux du Centre, telles que les Sedang, les H’rê, les Bahnar, les Ede, les J’rai, les R’Mam, les Ta Oi…

 

 

Chaque village comprend quelques maisons longues autour de la maison communale.

 

 

Sur le plan architectural, ces maisons font penser à une barque, avec deux toits en pente et des décorations en bois sculpté. Elles peuvent être divisées en deux parties : l’une sert de cuisine et de salle de séjour, l’autre de chambre à coucher. Elles peuvent aussi être divisées en deux dans le sens de la longueur, avec un côté compartimenté réservé aux activités intimes de chaque famille, l’autre aux activités communes : cuisine, salle de séjour, salle de broderie…

 

Maison sur terre

Les maisons construites sur terre sont habitées par les Viet, les Cham, les Chinois, les Mong et les Khmers. Elles ont des murs en terre battue, le toit en chaume ou en tuiles. Chaque habitation comprend une maison principale, une maison auxiliaire, une cour, un jardin et un étang.

 

 

La maison principale comprend entre trois et cinq pièces, orientées généralement vers le sud pour avoir plus de fraîcheur. Orientée vers l’est, la maison auxiliaire comprend trois pièces et forme un angle droit avec la maison principale. Les deux maisons donnent dans une cour dans laquelle se trouvent un puits et un réservoir d’eau de pluie. Plus loin se trouvent le jardin et l’étang. Les étables et les toilettes se trouvent derrière la maison principale.

 

 

 

 

Combinaison de maisons sur pilotis et maisons sur terre

Les Dao, les Lolo et les M’Nong vivent dans des maisons dont une partie est sur pilotis et l’autre sur terre. La famille vit généralement dans l’espace sur pilotis, la cuisine et l’entrepôt étant à terre.

 

 

Les murs et le plancher de la maison sur pilotis sont en bois ou en bambou, le toit est en chaume. Elle est divisée en trois compartiments ; celui au milieu est réservé au culte des ancêtres, les deux autres servent de chambre à coucher aux garçons et aux filles.

 

 

Le sol de la maison sur terre est en terre battue, les murs sont également en terre avec une armature en bambou et un toit de chaume.

 

 

Au terme d’un processus de modernisation de l’habitation, et depuis le début de la colonisation française, la maison traditionnelle villageoise et son homologue urbain ont tendance à disparaître. C’est le règne de l’acier et du béton, du cosmopolitisme et de l’anarchie architecturale. Les mœurs ont changé dans le sens de l’occidentalisation : égotisme vulgaire, consumérisme. Les voisins s’ignorent. On passe plus de temps hors de la maison, on se voit moins en famille, le repas familial a perdu son caractère sacré. De la spiritualité de la maison traditionnelle, il ne reste pas grande chose hormis la présence de l’autel des ancêtres dans quelques maisons.

Auteur de l’article : Mickael Cantello

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