L’Habitat ailleurs: La case créole réunionnaise

L’architecture créole réunionnaise est une nouvelle fois le fruit d’un métissage unique entre Orient et Occident. Cases créoles, villas urbaines, grands domaines, édifices publics, religieux ou commerciaux sont imprégnés de ces cultures, le tout souvent noyé dans un jardin créole à la végétation luxuriante.

Un peu d’histoire

La construction architecturale de La Réunion s’articule autour de deux périodes distinctes, la Colonisation qui débute dès 1665, puis la Départementalisation à partir de 1946.

L’héritage architectural des villes réunionnaises, d’essence coloniale, est néanmoins extrêmement riche et varié, à l’image du peuplement de l’île issu de diverses origines : Asie, Madagascar, Afrique, Europe, tout en ayant développé des spécificités liées à son insularité et aux conditions climatiques difficiles (chaleur, humidité, vent, cyclones).

A l’origine, les « paillotes » furent les premières habitations sur l’île, composée des matériaux du pays (bambou calumet, vacoa, palmes, latanier, vétiver…), puis rapidement les premières vraies cases créoles avec une armature en bois ont vu le jour, construites notamment par les premiers colons de la culture du café et des épices.

La paillote est restée une des formes les plus communes de l’habitat réunionnais jusqu’à la départementalisation. Il n’en subsiste guère aujourd’hui que quelques spécimens dans certains îlets isolés de Mafate ou de Cilaos.

Dès le milieu de XVIIIème siècle, des constructions calquées sur le modèle français voient le jour, à l’image de la maison Adam de Villiers à Saint-Pierre, et l’influence européenne va plus généralement se répandre dans l’architecture réunionnaise, tout en intégrant des héritages multiples inspirés des styles néoclassique, colonial ou indien.

Ce modèle architectural se maintiendra peu ou prou jusqu’à l’arrivée du béton et de la construction « en dur » entre les deux guerres, mais c’est véritablement la départementalisation puis l’explosion démographique des années 60 qui marqua le début de l’architecture collective, des immeubles et de la création de vastes quartiers de relogement pour les populations vivant encore à cette époque dans des bidonvilles.

Dans le même temps et conjointement aux courtes périodes de prospérité qu’a connues l’île de La Réunion, de superbes demeures ont été construites, à l’image de la maison Valliamé (maison Martin) dans le style Art Déco créole, ou la maison Morange dans un style plus contemporain. Depuis les années 1960-1970 jusqu’à aujourd’hui, la « case Tomi » ou la « case SATEC » ont par ailleurs contribué à démocratiser l’architecture de l’habitat populaire.

La prise de conscience de la valeur inestimable de l’architecture créole réunionnaise est assez récente et fait maintenant l’objet de mesures de préservation et de restauration. Il est ainsi encore possible d’observer quelques trésors architecturaux, de la plus modeste paillote ou case créole à des demeures urbaines ou quelques grandes propriétés typiques de l’architecture créole réunionnaise.

La case créole réunionnaise

La case créole réunionnaise est une construction en bois, de taille variable, couverte de bardeaux et/ou de tôles. Cette maison au plan rectangulaire, dit « plan massé », est couverte d’une toiture à quatre pans ou « toiture à la française » et présente souvent un aspect rustique, en tout cas à l’origine. La naissance du décor créole interviendra durant le XIXè siècle inspiré par le style néoclassique et d’autres influences.

La case créole évoluera en fonction des moyens de son propriétaire et de l’agrandissement de sa famille, souvent en commençant par la création d’un auvent, qui se transformera en varangue totalement ou partiellement fermée, et se finira peut-être par une pièce supplémentaire. Ainsi vivra et grandira la case créole.

Si l’inspiration européenne (plan rectangulaire, distribution intérieure symétrique avec une grande salle centrale flanquée de deux chambres de part et d’autre, haute toiture à quatre pans fortement inclinés) néoclassique (losange, moulure…) a marqué l’architecture de la case créole, d’autres influences contribuent à la spécificité de l’architecture réunionnaise.

La Varangue : importée dès l’époque de la Compagnie des Indes et d’influence pondichérienne, la Varangue est la véranda typique de la case réunionnaise. Au départ élément de protection contre le soleil, elle devient progressivement une véritable pièce à vivre en façade de la maison et dispose de son mobilier spécifique, essentiellement composé de fauteuils de repos créoles (dossiers cannés). A l’image de certaines demeures des grands domaines sucriers ou de belles cases des villes, la maison peut disposer de plusieurs varangues (avant, arrière, côtés et à l’étage).

Les Bardeaux : La case créole traditionnelle est souvent couverte de bardeaux, lattes de bois disposées en quinconce sur le mur de manière à se superposer comme des tuiles, ils permettent de faire glisser les gouttes de pluie et constituent une excellente protection contre le vent. Taillés à la main pour ne pas casser les fibres du bois (tamarins), un mur en bardeaux peut durer entre 100 et 150 ans (taillé à la machine, les bardeaux ne résistent que quelques dizaines d’années). Aujourd’hui, il ne reste que deux tailleurs de bardeaux à la Réunion.

Les Lambrequins : Ultime évolution de l’embellissement des demeures traditionnelles à partir des années 1860, les lambrequins ornent l’auvent. En bois à l’origine, ils sont maintenant souvent en tôle, et ont vocation à remplacer les gouttières, leurs pointes servant à guider les gouttes de pluies vers le bas. On plante en général en dessous des petits buissons afin d’absorber l’eau et de pas éclabousser les murs. Ils représentent dans l’imaginaire collectif à eux seuls le style architectural créole, et sont le symbole d’un certain art de vivre.

D’autres éléments comme le « Guétali » (kiosque surélevé et mini salon d’extérieur qui donne sur la rue et permet de voir les passants sans être vu et de papoter), ou encore le « Baro » (grand portail souvent en fer forgé qui permet d’isoler la maison du reste de la rue), constituent d’autres spécificités de la case créole traditionnelle.

Le jardin créole : A l’image de la flore de l’île et par opposition aux jardins « à la française » très structurés, le jardin créole se caractérise par une végétation dense et luxuriante, mêlant dans un joyeux désordre de nombreuses variétés de plantes, de fleurs et d’arbres fruitiers.

Villas urbaines et grands domaines : Ceux qui ont fait fortune dans le café, le sucre ou l’importation ont fait construire de somptueuses demeures, que ce soient de grandes cases créoles grandes comme des châteaux cachées au milieu des terres du domaine loin des regards indiscrets, ou des villas urbaines aux façades « pomponnées » en bordure des plus belles rues de Saint-Denis, notamment. La liste des villas créoles remarquables est ainsi très longue. Et au-delà, il existe aussi de nombreuses splendides cases créoles plus modestes, nichées dans des jardins luxuriants, notamment dans l’Est et le Sud de l’île ou dans les hauts (Hell-Bourg, Entre-Deux, Cilaos…).

La préservation du patrimoine architectural réunionnais

Le patrimoine architectural réunionnais, qui pendant longtemps n’a pas été préservé, est un patrimoine fragile. Structurellement, ce patrimoine essentiellement construit en bois se montre particulièrement vulnérable aux insectes xylophages et à la violence des cyclones. De plus, l’évolution démographique, le besoin de logements et les fortes pressions foncières ou encore le développement économique entraînent malheureusement souvent des velléités de démolition. Le patrimoine architectural de La Réunion, comme son patrimoine naturel, est unique au monde, et il est impératif de protéger cette richesse pour les générations futures.

Auteur de l’article : Mickael Cantello

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